Questions de science
et de technologie


 E. Macron

Nous faisons face à des défis nouveaux qui prennent une ampleur considérable. Vous parlez à juste titre des maladies neurodégénératives, des dizaines de milliers de morts liées au tabac ou à l’alcoolisme. Les risques épidémiques, les bactéries résistantes aux antibiotiques, sont des sujets à traiter en urgence qui nécessitent un investissement de fond. Nous pensons d’ailleurs que ces questions doivent aussi être traitées à l’échelle européenne. Car les enjeux se sont internationalisés : risque épidémiologique (H1N1, Ebola), moyens nécessaires pour la recherche de pointe, traitement des grandes masses de données pour aller vers une médecine personnalisée, enjeux économiques liés à la libre circulation des produits de santé….Or, si les menaces épidémiques et les menaces sanitaires majeures ont légitimé l’intervention communautaire pour garantir un bon niveau de protection de la santé humaine en Europe, on peut déplorer l’absence d’esquisse d’une politique de santé européenne. C’est aussi un enjeu social fort pour l’Europe, quand on sait que la mortalité infantile peut se trouver multipliée par 6 d’un pays à un autre sur notre continent.
Par ailleurs, on découvre chaque jour l’impact de l’environnement dans la survenue de nombreuses pathologies. Aujourd’hui, plus de 60% de la population française respire un air pollué, qui est responsable de la mort prématurée de 48 000 personnes chaque année. La pollution chimique, les perturbateurs endocriniens, les pesticides nous exposent à des conséquences sanitaires de moins en moins contestables, comme des cancers ou la baisse de la fertilité. La prévention doit devenir la valeur cardinale de la politique de santé en France. Il faut investir vraiment et durablement dans la prévention, que ce soit à l’école, au travail, au domicile, à tous âges. La mobilisation de 40 000 étudiants en santé pour des actions de prévention en sera une concrétisation visible.
Dans ce contexte, la santé environnementale sera une priorité du quinquennat. Cet objectif doit être reflété dans tous les domaines : l’agriculture, l’alimentation, les produits contenant des perturbateurs endocriniens, les transports, le chauffage, et bien d’autres.
Nous mènerons une campagne de mobilisation pour la santé environnementale de même ampleur que le plan cancer afin de sensibiliser les Français et d’inciter à de nouvelles pratiques de consommation. Nous réunirons en particulier tous les acteurs de la filière alimentaire afin d’élaborer un agenda des solutions pour l’alimentation, dans le cadre d’un “Grenelle de l’alimentation” : nous y définirons un calendrier prévoyant l’élimination progressive des pesticides, en commençant par ceux qui présentent un risque pour la biodiversité ou la santé, et le développement d’alternatives. Nous soutiendrons l’adoption d’exigences similaires au niveau européen, dans le but d’accélérer la mutation de la filière agroalimentaire. Dès le début du quinquennat, nous séparerons les activités de conseil aux agriculteurs et de vente des pesticides qui peuvent susciter des conflits d’intérêt. Enfin, d’ici à 2022, l’ensemble de la restauration collective – les cantines des écoles et les restaurants d’entreprise – devra proposer au moins 50% de produits biologiques, labellisés de qualité, ou locaux.
Afin de protéger les Français contre les perturbateurs endocriniens, nous interviendrons avec fermeté au niveau européen pour revoir totalement les méthodes d’évaluation des produits, et rendrons plus transparente la rémunération des experts. Nous promouvrons la position de la France comme leader dans la recherche sur l’impact de ces substances et sur nos capacités à les remplacer. L’Etat interdira au plus vite les perturbateurs endocriniens repérés comme ayant des impacts sanitaires avérés ou probables, dès lors qu’il existe des solutions scientifiquement reconnues comme moins toxiques. Enfin, nous mettrons en place un site national d’information des Français sur ces perturbateurs, particulièrement pour les produits commercialisés à destination des enfants et des femmes enceintes.
Quant à la qualité de l’air, nous nous fixons le cap de permettre à tous de respirer un air conforme aux normes communautaires et aux recommandations de l’OMS d’ici 2025. Pour y parvenir, nous soutiendrons la transition vers un parc automobile propre : prime exceptionnelle de 1000 euros pour la reprise des véhicules moins propres, alignement de la fiscalité du diesel… Nous pèserons aussi pour renforcer les normes anti-pollution européennes pour les véhicules neufs et les contrôles en conditions réelles (en tirant les enseignements du scandale Volkswagen), avec pour objectif de long terme de n’avoir plus, en 2040, aucune vente de véhicule thermique
En même temps que se lèvent ces défis et ces risques, l’évolution des approches et le progrès technologique laissent présager de nouveaux moyens de prévenir, diagnostiquer, et traiter les maladies. Il est donc fondamental de soutenir la recherche, fondamentale et clinique, en biologie, en sciences humaines, parce que la France doit être et rester à la pointe en recherche en santé. Emergent notamment de nouveaux champs multidisciplinaires où se croisent nanotechnologies, biologie, technologies de l’information et sciences cognitives, qui peuvent amener le meilleur, à condition bien sûr de mener en parallèle une réflexion bioéthique, et de ne pas laisser les industriels seuls sur ce terrain.