Questions de science
et de technologie


 B. Hamon

J’ai la conviction qu’il faut reposer pleinement la question du progrès. Au fond, notre société est fracturée par l’absence d’un projet clair et ambitieux pour son avenir. Les forces du repli nostalgique s’étendent, parfois séduisent. Je veux porter la vision d’un futur désirable, et c’est la route qui nous y conduit que j’appelle le progrès. Un progrès qui s’enracine dans les objectifs du développement durable, qui vise à éradiquer la pauvreté, les inégalités galopantes, l’illettrisme, la malnutrition, à limiter les effets du changement climatique.
A partir de cette idée du progrès, il est nécessaire de concilier deux dynamiques. D’une part celle de la démarche scientifique, qui doit pouvoir explorer les possibles, surprendre, ne pas être entravée autrement que par des règles éthiques et déontologiques. D’autre part celle du contrôle des humains sur leur avenir, qui peut conduire à refuser certaines évolutions pourtant possibles au niveau scientifique ou technologique. A l’heure du transhumanisme, de l’homme augmenté, notre société ne peut échapper à des débats philosophiques majeurs pour qu’elle reste libre de sa destinée.
Tout cela dépasse largement la question du principe de précaution, et ce dernier me semble aujourd’hui parfois décalé avec la réalité de notre monde. Il est parfois invoqué à tort, de manière excessive, tendant à substituer au débat philosophique puis politique des considérations juridiques. Et il n’est pas toujours suffisant pour se protéger de véritables dangers, car l’identification du danger est le plus souvent très ardue. C’est pourquoi j’ai placé plusieurs questions environnementales au cœur de mon projet, comme l’interdiction des perturbateurs endocriniens alors que les lobbies s’agitent pour assurer les intérêts de leurs clients. C’est une volonté politique, et je n’ai pas besoin de recourir à la justice. Mais je veux aussi être clair : à toute interdiction d’une technologie, quand elle est déjà mise en œuvre et que cette interdiction a un impact sur le travail, il faut associer un programme de recherche pour trouver une alternative.
C’est en plaçant les questions scientifiques au cœur du fonctionnement de notre démocratie qu’on pourra atteindre la maturité en termes de capacité à accepter ou refuser les technologies en fonction de ce qu’elles nous conduisent dans la voie du progrès, ou au contraire de la régression.
Et j’en viens donc à un engagement : je nommerai un scientifique auprès de moi, comme l’a fait le Président Obama, et le verrai chaque semaine pour travailler sur les questions scientifiques qui ont un impact sur la société, et donc sur les politiques que nous avons à mettre en œuvre. C’est le rôle du responsable politique que de décider, mais il doit en permanence s’appuyer sur la science : c’est la meilleure protection contre l’obscurantisme qui est en train de nous gagner.