Le nouveau monde numérique dans lequel nous vivons offre des opportunités formidables, qu’il convient de se donner les moyens d’exploiter, au bénéfice de notre pays : il faut commencer par le rappeler car la lucidité sur les risques ne doit pas masquer la vision des opportunités. Mais le développement des réseaux, des smartphones, de l’internet des objets ou encore de l’intelligence artificielle implique aussi des menaces en terme de sécurité, ou de respect de la vie privée qu’il faut prendre en compte. Pour ma part j’ai fondé mon projet sur une analyse lucide de notre société, et de sa transformation par le numérique.
Chacun doit être conscient que ces questions sont difficiles, et qu’il n’existe pas de solution miracle. Il peut même y avoir contradiction entre une volonté de surveillance et de sécurité d’une part, le respect de la vie privée à laquelle nous sommes tous attachés d’autre part. Un exemple récent nous a été donné par le fichier TES (“titres électroniques sécurisés”). Il est bien sûr légitime, et même indispensable, que l’Etat se donne les moyens de contrôler l’attribution et l’utilisation des cartes d’identité et des passeports. Il est tout aussi indispensable que ce contrôle se fasse en garantissant les droits de chacun. La solution centralisée adoptée n’est à cet égard pas entièrement satisfaisante.
Il faut également veiller à ne pas promouvoir des solutions qui s’inscriraient dans une logique purement française, et qui seraient donc en pratique inapplicables ou sans effet majeur. C’est le plus souvent au niveau mondial, ou a minima au niveau européen, que la réflexion doit être conduite.
La première chose à faire est sans aucun doute de sensibiliser tout le monde, individus, décideurs, entreprises,… Nombreux sont encore aujourd’hui ceux qui ne sont pas conscients des dangers du monde numérique, en étant peu vigilants dans leur vie quotidienne sur la gestion de leurs mots de passe, de leurs données ou encore de l’accès à leurs réseaux, machines ou serveurs. Bien entendu, cette sensibilisation n’est qu’une première étape, mais une étape indispensable. Le renforcement de la formation des enseignants sur ces questions-là permettra d’avoir des citoyens plus actifs vis-à-vis du numérique, mieux conscients des enjeux.
Il faut également encourager et soutenir les recherches amont encore nécessaires pour traiter ces questions. Nous avons en France les équipes qualifiées pour nous permettre de nous attaquer aux verrous scientifiques et de nous proposer de nouvelles techniques, plus sûres, plus robustes et plus à même de construire des solutions innovantes et efficaces. Ces recherches devront aussi s’attaquer aux questions de transparence des algorithmes (prévue dans la récente loi pour une république numérique), ou de leur responsabilité, en commençant par donner un sens précis à ces notions.
En parallèle, il faut aider les logiciels ou applications issues de ces recherches à trouver des modèles économiques et des marchés. Un effort particulier doit être porté sur la création de startups à haute valeur technologique. Et il convient en plus de donner les moyens à notre pays de permettre à ces entreprises de se développer en France (tout en les aidant à avoir des marchés à l’étranger) et à ne pas être toutes rachetées par des capitaux étrangers.
Enfin, l’Etat se doit donner le bon exemple. Il doit utiliser et promouvoir, sauf exception, des logiciels libres dont le code est ouvert à tous. Les spécialistes savent que ce n’est pas une garantie de l’absence de faille de sécurité, mais que le risque est bien moindre qu’avec un logiciel « boite noire » dont le code source n’est connu que de ses concepteurs.