Questions de science
et de technologie


 Sciences numériques au lycée

III.1 Un enseignement de spécialité Informatique et sciences numériques a été introduit en 2012 en terminale scientifique. En 2015, le gouvernement a décidé sa généralisation et introduit de nouveaux programmes de science informatique du primaire au baccalauréat. Néanmoins il n’existe ni CAPES ni agrégation spécifiques. Comment comptez-vous développer la formation des élèves, le recrutement et la form ation permanente de leurs enseignants dans ce domaine ?



JL Mélenchon

Nous souhaitons généraliser l’enseignement de la culture numérique et informatique à l’école et dans les concours et formation des enseignants

N Dupont-Aignan

Il est inutile de saupoudrer un vague enseignement au numérique tout au long du primaire, du collège et du lycée – souvent au détriment de la lecture, de l’écriture et du calcul – considérant par ailleurs que les jeunes sont bien plus à l’aise que leurs parents avec les nouvelles technologies sans enseignement particulier. Une réponse véritablement pertinente à l’enjeu, celle que je propose, consiste à concentrer les moyens dans les filières ouvrières d’excellence. La revalorisation du travail manuel est essentielle : cessons d’exclure les gens brillants des circuits manuels et rénovons les filières spécialisées pour former les futurs ouvriers, capables de programmer et d’exploiter les outils du numérique. En matière d’emploi, je propose d’intensifier les formations aux métiers du numérique au sein de Pôle emploi, en offrant une formation à l’informatique et à l’entreprenariat aux demandeurs d’emploi désireux de créer leur entreprise dans le numérique ou de se reconvertir.

E. Macron

Notre système éducatif doit fournir à tout futur citoyen les principales clés pour comprendre notre monde numérique. Il ne s’agit pas de former des professionnels de l’informatique mais de proposer à chacun un bagage minimal, comme il en est fourni en français, en mathématiques, en histoire-géographie, en langues…. Un enseignement d’informatique doit inclure des éléments éthiques, juridiques et sociaux à côté bien sûr de bases scientifiques et techniques. Ainsi un bachelier doit au cours de son cursus avoir appris à coder et acquis les bases de l’algorithmique et des structures de données. Il aura aussi compris les principes de base et les principaux enjeux dans les domaines de la cybersécurité, de la gestion des données personnelles et du respect de la vie privée, des licences logicielles et du logiciel libre.
La mise en place d’une telle formation à tous les niveaux pose la question essentielle de l’existence d’un corps professoral bien formé. Pour les professeurs des écoles, les ESPE doivent proposer de réels enseignements d’informatique, tenant compte des formations initiales des étudiants-professeurs. Pour les professeurs des collèges et des lycées, la qualité des enseignements est clé. Il n’y a aucune raison d’être moins exigeant dans la formation des professeurs d’informatique que dans celle des professeurs des autres disciplines.
La seule solution pragmatique est de généraliser ces enseignements progressivement au fur et à mesure que les enseignants seront formés et recrutés. Cette généralisation doit être basée sur deux éléments complémentaires. Il faudra tout d’abord mettre en place un plan de formation continue ambitieux. Ce plan sera destiné aux enseignants déjà en poste, titulaires en informatique ou dans une autre discipline, et ayant suivi des enseignements d’informatique dans le cadre de leur formation initiale. Cette formation continue doit être validée par un certificat d’aptitude. Il faudra d’autre part examiner la possibilité de recruter de nouveaux professeurs spécialistes en étudiant la création d’un CAPES et/ou d’une Agrégation
d’informatique. Dès la session 2017, il sera possible de présenter une option informatique au Capes de mathématiques.

F. Fillon

Au collège, il faudra recentrer l’enseignement de la technologie sur la culture numérique et l’apprentissage de l’informatique : outils bureautiques, code et algorithmique, création d’un site Internet, sensibilisation à l’open source, usage des réseaux sociaux, gestion de son identité sur Internet, protection des données personnelles et enfin information sur les métiers associés au numérique. Au lycée, l’enseignement de l’Informatique et Sciences du Numérique (ISN) sera étendu et proposé à tous.
Le développement d’une filière universitaire ISN consacrée à la recherche et à la formation à de nouveaux métiers (enseignement, programmation informatique, cybersécurité, intelligence artificielle, big data, etc.) est nécessaire.

F. Asselineau

Nous mettrons un terme à cette incohérence en créant un CAPES d’informatique en vue d’un enseignement au lycée, tout en prônant l’utilisation modérée et intelligente des nouvelles technologies

B. Hamon

Regardons déjà ce qui a été fait. Avec les nouveaux programmes de la scolarité obligatoire entrés en vigueur en septembre 2016, une première approche du codage est enseignée dès l’école élémentaire et l’algorithmique est au programme de mathématiques et de technologique à partir de la classe de cinquième.
D’autres mesures importantes ont été prises : une option informatique a été ouverte au Capes de mathématiques, option accessible aux candidats dont le niveau en informatique est celui de la 4e année d’université dans la matière et un enseignement d’informatique et création numérique est désormais offerte de la seconde à la terminale pour les lycées des filières L, ES et S. 
Ce sont des dynamiques positives que je poursuivrai.
Je ne m’inscris pas actuellement dans l’optique d’une reconnaissance de l’informatique comme une discipline scolaire à part entière, avec, par conséquent, la création de concours idoines (Capes, Agrégation). Je suis toutefois favorable à l’ouverture d’une réflexion sur le sujet.

N. Arthaud

La question de fond qui se pose dans l’éducation nationale n’est pas la révision des programmes. Bien sûr qu’ils doivent évoluer en même temps que progressent les techniques et les connaissances. La question de fond est d’accorder les moyens indispensables pour donner à chaque élève, quelle que soit son origine sociale, les moyens d’acquérir les savoirs et les savoir-faire indispensables.
L’Éducation nationale devrait être vraiment une priorité, et ce à plus d’un titre. L’urgence est déjà de réparer les dégâts causés par la baisse importante des moyens alloués ces dix dernières années, qui frappent en premier les enfants des quartiers populaires, eux qui n’ont souvent que l’école pour leur permettre d’acquérir des connaissances et qui ont souvent besoin d’être épaulés dans leurs études. Et, pour qu’il y ait égalité des chances, il faudrait commencer par augmenter le nombre d’enseignants ainsi que les moyens alloués aux établissements scolaires des cités ou quartiers réputés difficiles, pour que l’école devienne un pôle d’attraction pour tous les jeunes. Des moyens en matériel et en enseignants, pour toutes les matières.

J. Lassalle

À la fin du XIXe siècle, alors que notre pays avait frôlé la dislocation, la IIIème République décida qu’aucun enfant ne devait rester à l’écart de l’instruction publique. Ces mots, « instruction publique », disent exactement ce que devrait être la mission de l’école : transmettre le savoir-faire, enseigner langue et culture, préparer à un métier.

Les élèves d’aujourd’hui n’ont-ils pas le même besoin ? Leur esprit devra être formé à créer plutôt qu’à subir, à produire plutôt qu’à consommer passivement ce que Google, Apple, Microsoft ou Facebook leur mettent sous le nez. Ils devront exercer leur liberté, et pour cela maîtriser profondément Internet et les outils de communication, au lieu d’en devenir dépendants.

Nous devons enseigner la pratique de l’informatique, de son "code", dès le primaire. L’école doit à la fois transmettre l’héritage des générations passées, et garder le rythme des changements du monde. La révolution technologique pose aux nouvelles générations un défi plus grand que celui de nous servir d’Internet, de « l’outil informatique » : il s’agit de le maîtriser pour ne pas en devenir esclaves. L’enseignement de l’informatique ne tient aujourd’hui dans les programmes qu’une place marginale. Nous devons y reconnaître l’un des langages communs du monde nouveau, que nos enfants devront pratiquer couramment.

Nous avons aujourd’hui des programmes, mais pas d’enseignants. J’ai prévu le recrutement d’urgence de 80000 enseignants en sciences, la grande majorité en informatique, qui pourront être des informaticiens expérimentés qui voudraient se reconvertir dans l’enseignement, ou enseigner à temps partiel, du primaire au supérieur. Nous devrons mettre en place, d’urgence donc, l’organisation nécessaire.





 Attaques informatiques

III.2 On a pu constater récemment une accumulation d’attaques locales ou mondiales massives et efficaces contre des systèmes informatiques de tous ordres, aidées par les sérieuses faiblesses de leurs systèmes de protection. Comment comptez-vous traiter ce problème ?



JL Mélenchon

Il nous paraît important de lancer un grand plan de sécurité informatique qui prendra différents aspects : sensibilisation du grand public et des industriels, développement des initiatives de type « bug bounty » par nos entreprises via des structures françaises, augmentation des moyens de l’ANSSI.
Par ailleurs, nous souhaitons réaliser une évaluation de l’efficacité des solutions techniques utilisées par les services de renseignement par une commission d’enquête parlementaire. Les mesures inefficaces, disproportionnées ou contre-productives seront abrogées.

N Dupont-Aignan

Les différents scandales d’écoutes, d’espionnage mais aussi d’abus commerciaux sur la vie privée de nos concitoyens montrent l’urgence de briser l’hégémonie américaine sur la révolution numérique. L’État et les consommateurs sont à l’heure actuelle désarmés, face aux pratiques hostiles de certains États et des multinationales, pour assurer la sécurité des données personnelles. C’est pourquoi je propose :

• De reprendre le contrôle sur les multinationales numériques en exigeant l’hébergement des données issues d’usagers français en France avec un vrai droit à l’oubli.

• De promouvoir les initiatives pour faire de la France la championne des logiciels libres et déploiement de logiciels souverains, notamment pour garantir la sécurité des systèmes d’exploitation utilisés par l’Etat et nos entreprises stratégiques.

• D’obliger tous les dirigeants, hauts-fonctionnaires et personnels sensibles à utiliser des moyens de télécommunication sécurisés, protégés de tout risque d’espionnage.

E. Macron

Plus encore sans doute que celles de sécurité classique, les questions de cybersécurité sont délicates et ne peuvent se résoudre aisément. Prétendre avoir des solutions simples, efficaces et faciles à mettre en oeuvre serait une imposture. Il faut également avoir le courage d’affirmer qu’un désir de cybersécurité et une volonté de respecter la vie privée, tous les deux légitimes, peuvent être antinomiques. Une démocratie doit veiller à trouver le bon équilibre entre les deux.
Il convient donc de bien peser les services rendus et les risques potentiels des solutions de protection mises en place. Par exemple, personne ne devrait se satisfaire d’un système de protection qui remettrait en cause les droits individuels des citoyens. Le fichier TES (“titres électroniques sécurisés”) a récemment illustré cet équilibre à rechercher. Si la solution proposée permet le nécessaire contrôle de l’attribution et l’utilisation des cartes d’identité et des passeports, elle présente aussi des risques de piratage pointés par les experts. Ces risques auraient été moindres, voir nuls, si on avait pris le temps d’étudier d’autres solutions, techniquement plus élaborées.
De plus, dans le cas de la cybersécurité, il n’y a le plus souvent pas grand sens à imaginer des solutions purement locales alors que l’internet est mondial et que les pirates informatiques peuvent être physiquement à des milliers de kilomètres des sites informatiques qu’ils attaquent. Il faut donc veiller à ne pas promouvoir des solutions qui s’inscriraient dans une logique purement française, et qui seraient donc en pratique inapplicables ou sans effet majeur. C’est le plus souvent au niveau mondial, ou a minima au niveau européen, que la réflexion doit être conduite.
Ce préambule étant fait, des mesures sont possibles et nécessaires.

1. Sensibilisation
Un important effort de sensibilisation doit être conduit, tant auprès des particuliers que des entreprises, grandes et petites. La simple gestion des mots de passe, ou la protection des données, l’accès aux réseaux, machines ou serveurs, ou encore les systèmes de sauvegarde sont encore souvent gérés avec beaucoup de méconnaissance et de désinvolture, sans prise en compte des risques encourus. Pour prendre un exemple simple et concret, est-il normal que beaucoup de personnes physiques ou morales acceptent sans aucune difficulté que le contenu de tous leurs courriers électroniques appartienne à la société gérant leurs comptes ? Cette sensibilisation n’est évidemment pas une fin en soi, mais elle est sans nul doute nécessaire.

2. Accompagnement des entreprises
Les entreprises, en particulier les startups, proposant des solutions relatives à la cybersécurité, mais aussi la cybercriminalité, doivent être aidées et encouragées. Cet accompagnement passe aussi par une action de l’Etat qui doit privilégier, dans le respect des législations en vigueur, le recours à des entreprises françaises lorsque des questions de souveraineté sont posées.

3. Promotion du logiciel libre
L’utilisation des logiciels libres, dont le code source est accessible à tous, doit être une priorité, dès qu’elle est possible. L’Etat se doit en particulier de donner le bon exemple, en particulier dans le cadre de la mise
en place des dispositions de la récente loi pour une république numérique. Si le logiciel libre n’offre pas une garantie absolue d’absence de faille de sécurité (être capable d’analyser un fichier source de plusieurs milliers, voire centaines de milliers, de lignes de code requiert des spécialistes et des techniques toujours plus élaborées), il permet par définition une étude du code source, impossible à faire dans le cas de logiciels propriétaires dont le code source n’est connu que de ses auteurs.

4. Développement d’une recherche amont et duale
Le traitement de la cybersécurité posent de nombreuses questions de recherche. Dans le milieu académique, la compétition est constante et permanente entre les équipes cherchant à « casser » les systèmes informatiques et celles cherchant à les protéger. Et cette compétition est positive car elle permet d’augmenter la qualité des systèmes de protection. La France est bien positionnée sur les sujets de cryptologie, de vérification, de réseaux… Ces équipes doivent être sollicitées pour produire des logiciels et des techniques plus efficaces et plus sûres permettant de construire des solutions performantes. Une partie de cet effort doit être conduit en relation étroite avec les problématiques de cyberdéfense, qui posent souvent des questions scientifiques et techniques très voisines.

F. Fillon

Il faut, et c’est fondamental, affirmer la souveraineté numérique de la France et de l’Europe face aux Etats-Unis, à la Chine, ou aux géants de l’Internet ; l’indépendance technologique et la cybersécurité seront les priorités du quinquennat. Face aux risques des cyberattaques pour les citoyens, les entreprises et les institutions, nous construirons avec l’Allemagne - et l’Europe - une véritable filière des infrastructures européennes du numérique. Pour cela, nous modifierons le cadre réglementaire européen, d’une part en exigeant que toute activité sensible en Europe soit supportée par des solutions (hardware et software) auditables et maîtrisées et d’autre part en acceptant des dérogations aux règles de la commande publique lorsque notre autonomie stratégique et notre cybersécurité seront en jeu.

F. Asselineau

Notre vulnérabilité provient du fait que l’État n’a pas su développer une réelle stratégie de protection des données et des systèmes stratégiques. Nous proposons de remplacer les produits propriétaires par des logiciels libres, notamment dans les ministères de la Défense et de l’Education nationale. L’ANSSI doit avoir un vrai rôle protecteur, avec un droit de regard et de décision sur les systèmes d’exploitation, les logiciels et les composantes électroniques sensibles, afin de s’assurer de leur intégrité. Un réseau chiffré national sera mis en place pour assurer les transferts de données personnelles comme en matière de santé.

B. Hamon

Le nouveau monde numérique dans lequel nous vivons offre des opportunités formidables, qu’il convient de se donner les moyens d’exploiter, au bénéfice de notre pays : il faut commencer par le rappeler car la lucidité sur les risques ne doit pas masquer la vision des opportunités. Mais le développement des réseaux, des smartphones, de l’internet des objets ou encore de l’intelligence artificielle implique aussi des menaces en terme de sécurité, ou de respect de la vie privée qu’il faut prendre en compte. Pour ma part j’ai fondé mon projet sur une analyse lucide de notre société, et de sa transformation par le numérique.
Chacun doit être conscient que ces questions sont difficiles, et qu’il n’existe pas de solution miracle. Il peut même y avoir contradiction entre une volonté de surveillance et de sécurité d’une part, le respect de la vie privée à laquelle nous sommes tous attachés d’autre part. Un exemple récent nous a été donné par le fichier TES (“titres électroniques sécurisés”). Il est bien sûr légitime, et même indispensable, que l’Etat se donne les moyens de contrôler l’attribution et l’utilisation des cartes d’identité et des passeports. Il est tout aussi indispensable que ce contrôle se fasse en garantissant les droits de chacun. La solution centralisée adoptée n’est à cet égard pas entièrement satisfaisante.
Il faut également veiller à ne pas promouvoir des solutions qui s’inscriraient dans une logique purement française, et qui seraient donc en pratique inapplicables ou sans effet majeur. C’est le plus souvent au niveau mondial, ou a minima au niveau européen, que la réflexion doit être conduite.
La première chose à faire est sans aucun doute de sensibiliser tout le monde, individus, décideurs, entreprises,… Nombreux sont encore aujourd’hui ceux qui ne sont pas conscients des dangers du monde numérique, en étant peu vigilants dans leur vie quotidienne sur la gestion de leurs mots de passe, de leurs données ou encore de l’accès à leurs réseaux, machines ou serveurs. Bien entendu, cette sensibilisation n’est qu’une première étape, mais une étape indispensable. Le renforcement de la formation des enseignants sur ces questions-là permettra d’avoir des citoyens plus actifs vis-à-vis du numérique, mieux conscients des enjeux.
Il faut également encourager et soutenir les recherches amont encore nécessaires pour traiter ces questions. Nous avons en France les équipes qualifiées pour nous permettre de nous attaquer aux verrous scientifiques et de nous proposer de nouvelles techniques, plus sûres, plus robustes et plus à même de construire des solutions innovantes et efficaces. Ces recherches devront aussi s’attaquer aux questions de transparence des algorithmes (prévue dans la récente loi pour une république numérique), ou de leur responsabilité, en commençant par donner un sens précis à ces notions.
En parallèle, il faut aider les logiciels ou applications issues de ces recherches à trouver des modèles économiques et des marchés. Un effort particulier doit être porté sur la création de startups à haute valeur technologique. Et il convient en plus de donner les moyens à notre pays de permettre à ces entreprises de se développer en France (tout en les aidant à avoir des marchés à l’étranger) et à ne pas être toutes rachetées par des capitaux étrangers.
Enfin, l’Etat se doit donner le bon exemple. Il doit utiliser et promouvoir, sauf exception, des logiciels libres dont le code est ouvert à tous. Les spécialistes savent que ce n’est pas une garantie de l’absence de faille de sécurité, mais que le risque est bien moindre qu’avec un logiciel « boite noire » dont le code source n’est connu que de ses concepteurs.

N. Arthaud

La cybersécurité recouvre des intérêts contradictoires. On ne peut que souhaiter que les messageries, les comptes internet et les informations des particuliers soient protégés le plus possible contre les escrocs. Mais la cybersécurité c’est aussi celle des entreprises des médias qui font la chasse à tous ceux qui pourraient écouter de la musique, regarder des films sans avoir payé leur dîme à ces multinationales richissimes. La cybersécurité, c’est aussi celle qui concerne les États. Au nom de la « sécurité », l’État surveille la population. Et il y a aussi l’espionnage industriel à petite ou grande échelle, ou encore la lutte que se mènent les Etats, bien souvent encore pour le compte des géants industriels et financiers de leur pays. Il n’y a donc pas beaucoup d’illusion à avoir sur ce que peut être la cybersécurité de la population dans ce contexte.

J. Lassalle

La guerre aujourd’hui ne se déploie pas seulement sur terre, sur mer et dans les airs, mais aussi sur les réseaux informatiques, et à travers eux, au sein de la population.

Cette cyber-guerre a pris une telle ampleur que nous devrions regrouper nos forces dans une nouvelle Force de cyber-défense, aux côtés des Armées de terre et de l’air, de la Marine et de la Gendarmerie. Je l’ai proposé tout au long de cette campagne, certains en ont souri, mais je vois que ce matin même, le directeur général de l’ANSSI s’est prononcé dans le même sens sur une radio nationale.

Unifier ainsi la Force de cyber-défense redonnera au gouvernement son indépendance, face aux sociétés informatiques qui se sont infiltrées au plus haut niveau de l’appareil d’État. Leur expertise nous est indispensable, mais le haut commandement doit garder toute sa liberté d’appréciation.





 Les décideurs face au monde numérisé

III.3 L’informatisation du monde modifie de façon intense et profonde un nombre toujours croissant d’activités dans l’industrie, le commerce, la gestion des collectivités, l’éducation, la culture, les loisirs, etc. La science française est forte sur ce plan, mais la formation initiale ou continue de nos décideurs à une compréhension réelle des effets attendus du développement rapide du numérique, reste faible en comparaison des USA et de l’Asie. Comment faire pour que l’écart actuel n’aille pas en augmentant ?



JL Mélenchon

Le numérique est un axe prioritaire de notre campagne. Il sera au coeur de notre politique et nous ferons de la France un pays majeur notamment sur les logiciels libres et le secteur culturel numérique (jeux vidéos, etc.).

N Dupont-Aignan

La réelle maîtrise des technologies de télécommunication et l’excellence française en informatique ont été gâchées par l’inaction des différents gouvernements. Alcatel, champion national et leader mondial a été démantelé, perdu dans une fusion aberrante avec l’américain Lucent puis finalement racheté par Nokia. La France, en partenariat avec ses alliés européens et ses amis francophones qui le souhaitent, doit assurer sa propre souveraineté numérique, au service de nos intérêts, de notre sécurité mais aussi de notre culture. Je propose :

• De lancer notre propre moteur de recherche (un « Google » francophone) et nos réseaux sociaux, en partenariat avec des pays européens volontaires.

• Que l’État redevienne temporairement majoritaire au capital d’Orange et parraine le lancement d’une OPA Amicale sur Nokia-Alcatel pour créer un champion numérique. Cette opération sera ouverte à des partenaires économiques de bonne foi.

• De protéger le capital des pépites internet francophones (Deezer, dailymotion...)

E. Macron

Notre futur sera numérique, ce n’est aujourd’hui plus une option. Mais il nous appartient de construire ce futur, en tenant compte de nos valeurs, de nos priorités et de notre histoire. Chacun doit pouvoir être acteur de ce futur. Selon une formule bien connue, il faut donner à tous les moyens de « programmer ce futur » et pas d’être programmé par lui. Cela passe, et cela rejoint la question III.1, par le fait que notre système éducatif fournisse à tous une éducation de base. Il ne s’agit en aucun cas de vouloir former des spécialistes mais de donner les principales clés du monde numérique.
Fournir ce socle à tous est nécessaire si l’on souhaite, et ce sera pour moi un point d’extrême vigilance, que le futur numérique soit bénéfique au plus grand nombre, et pas confisqué par quelques-uns. Cela passe par un développement des enseignements numériques (voir III.1).
En complément, il faut que les formations de nos futurs décideurs potentiels s’ouvrent beaucoup plus au numérique qu’actuellement. Les universités, les grandes écoles ou encore les instituts de type Sciences Po doivent offrir dans chacun de leurs cursus des formations adaptées au numérique. Il en est de même pour les classes préparatoires. Il n’est pas normal que des étudiants doivent aujourd’hui attendre quasiment l’âge de 20 ans, et deux ans après le baccalauréat, pour bénéficier d’un réel enseignement d’informatique.
Et bien entendu, les écoles ou instituts qui forment tout au long de la vie doivent aussi participer à cette révolution culturelle.

F. Fillon

Comme indiqué dans ma réponse à la question III.1 sur l’enseignement, je souhaite encourager le développement d’une filière universitaire « Informatique et Sciences Numériques » consacrée à la recherche et à la formation à de nouveaux métiers. De façon transversale, il faudra aussi revisiter le contenu des formations pour prendre en compte l’évolution des métiers à l’ère numérique et favoriser les reconversions professionnelles vers ces métiers. C’est à ce niveau qu’il faut agir, pour que les décideurs français de demain aient le bagage nécessaire pour conduire le pays et ses entreprises.
Les dirigeants politiques pâtissent aujourd’hui d’une telle carence. Aussi, je proposerai de mettre en place une gouvernance du numérique au sein du gouvernement, afin que toutes les informations pertinentes sur les évolutions rapides du numérique parviennent jusqu’au sommet de l’Etat, et que nous puissions prendre les bonnes décisions en toute connaissance de cause.

F. Asselineau

La promotion de la formation en développement numérique figure dans le programme de l’UPR. La France possède une grande expertise dans ce domaine, ses talents doivent être utilisés et portés par une vision stratégique d’ensemble. C’est pourquoi il est impératif de retrouver notre souveraineté, sans laquelle il ne saurait y avoir de réelle stratégie nationale, dans ce domaine comme dans bien d’autres. Les Etats-Unis ou les pays asiatiques réussissent ce pari, parce qu’ils ne sont pas enchaînés dans un bloc supranational dont les divisions internes empêchent de se projeter dans le monde de demain et de s’y préparer.

B. Hamon

Je partage totalement ce constat, et je suis navré de constater dans les débats qu’il y a une forme de pensée magique chez de nombreux responsables politiques qui vis-à-vis du numérique ne réalisent pas que le rythme de la transformation est sans commune mesure avec les précédentes révolutions industrielles. C’est pour cela que j’ai voulu placer le débat sur le terrain des transformations du travail, avec le revenu universel et la taxe sur les robots, qui sont des éléments de réponse à la transformation numérique.
Pour élever le niveau de compréhension, il faut soutenir la recherche, le partage des savoirs et l’accompagnement.
La recherche sur la transformation numérique de notre société est indispensable, et le soutien que j’apporterai à la recherche en Sciences humaines et sociales en sera un levier. C’est évidemment aux chercheurs d’en définir les axes, mais on peut penser à l’impact sur le travail, sur l’identité, sur la sécurité, sur la liberté, sur l’attention, sur la cognition, sur la mémoire, sur l’éducation, sur la santé, etc.
Le partage des savoirs passe par de nombreux aspects :
D’abord la place des sciences du numérique dans le système éducatif. Je répète ma volonté de fournir à tout futur citoyen les principales clés pour comprendre le monde numérique dans lequel il vit. Les décideurs de demain auront a minima bénéficié de ces enseignements d’initiation. Il faut ensuite compléter ce dispositif ouvert à tous par des cursus plus spécialisés, adaptés aux formations et aux futurs métiers des uns et des autres. Ces cursus plus spécialisés doivent être mis en place le plus rapidement possible, les enjeux sont immédiats et il convient de ne pas attendre..
Le développement de la formation continue dans les universités et les grandes écoles doit aussi permettre d’élever le niveau de partage de ces savoirs.

N. Arthaud

L’informatisation du monde ouvre surtout des perspectives gigantesques à l’humanité en termes de satisfaction de ses besoins, en santé, en biens de consommation, en accès à la culture et à l’information. Les techniques modernes ouvrent des perspectives illimitées dès aujourd’hui. Mais il y a un sérieux obstacle à ce qu’elles servent l’humanité : la loi du profit. Dans bien des industries, c’est toujours le moyen-âge. Le patronat impose toujours une surexploitation féroce et des salaires les plus bas possibles. Même quand il investit dans des moyens de production hightech, c’est pour mieux licencier et pressurer encore plus ceux qui restent à la production. Et puis, le problème des techniques modernes se résume à ceux qui les contrôlent. Il est notable de savoir que les satellites surveillant la production agricole mondiale sont avant tout connectés sur les marchés boursiers alors qu’ils pourraient servir à répartir les productions sur la planète.

J. Lassalle

J’ai été berger, chef d’exploitation jusqu’à mes 22 ans, alors que mon père était cloué sur un lit de plâtre. Élu maire de mon village à 21 ans, j’ai été recruté dans un bureau d’études d’équipement rural ; puis j’ai créé le mien, et je l’ai développé jusqu’à mon élection à l’Assemblée nationale en 2002. J’ai embauché une équipe d’ingénieurs, j’ai participé à des très grands projets, j’ai innové en apportant en Lot-et-Garonne le goutte-à-goutte, que j’avais été observer en Israël. Tout cela date d’avant la vague actuelle de l’intelligence artificielle, mais il y avait déjà beaucoup d’automatismes et, au fond, de robots.

Pourtant, le recrutement le plus profitable que j’aie fait, c’était un sociologue.

Je suis sûr que l’Homme trouvera sa place dans la révolution technologique, s’il refuse de se laisser déposséder. Elle menace de faire de nous ses serviteurs. Devenons-en les maîtres !

Nous avons besoin de vous, les scientifiques, pour nous y aider ! Si les technologies accélèrent, nos cerveaux humains restent essentiellement les mêmes ; et c’est à nous, non aux choses, de prendre les décisions.